Toujours dans le cadre des questions à l’assemblée nationale dont je vous parlais il y a quelques jours, voici une nouvelle illustration de la difficile application du droit d’auteur.
La question est posée par Marie-Georges Buffet le 6 janvier 2009 à l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication :
La question concerne les préoccupations exprimées par des associations ou des organisateurs de kermesses scolaires, lesquels se voient dans l'obligation de régler des droits à la société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) lorsque, à l'occasion d'une initiative privée ou publique, ils diffusent de la musique. Or ces initiatives à but non lucratif ne sauraient être considérées à l'égal des entreprises de spectacles à caractère commercial. L'exonération de ces droits devrait être envisagée, dans des conditions à déterminer : cette mission pourrait être confiée à une commission comprenant des représentants de son ministère, des représentants du monde associatif ainsi que la SACEM. Marie-Georges Buffet demande à la ministre si elle compte engager cette réflexion permettant d'aboutir à ce que certaines exonérations de paiements soient accordées, totalement ou partiellement.
La réponse du Ministre publiée au JO le 17 février 2009 vient nous rappeler les bases du droit d’auteur :
Le
code de la propriété intellectuelle reconnaît aux créateurs des droits moraux mais également patrimoniaux sur leurs œuvres, couramment appelés droits d'auteurs, ou encore droits voisins du droit
d'auteur dans le cas des artistes-interprètes, des producteurs de musique ou de films ou des entreprises de communication audiovisuelles.
Le respect de ces droits constitue la condition même de la pérennité de la création, car il garantit aux artistes et aux industries culturelles la possibilité de vivre du produit de leur
activité. C'est pourquoi l'achat d'un disque ou d'un film, par un particulier ou par une association, ne leur permet pas de s'affranchir du respect de ces droits pour donner une représentation
publique de l'œuvre en question. Dans le cas de la musique, c'est la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) qui
gère la perception et la répartition de la rémunération due à ces titulaires de droits pour leur permettre de poursuivre leurs activités artistiques de façon durable et, dès lors, de faire
bénéficier le public d'un répertoire élargi et renouvelé. Les pouvoirs publics ne sont donc pas compétents pour intervenir dans la fixation de la rémunération des artistes, qui ne constitue en
aucun cas une « taxe », une redevance de nature fiscale ou une ressource publique dont le produit irait abonder - ou même simplement transiter - par le budget de l'État, et cela, y compris quand
son montant est fixé de façon forfaitaire comme dans le cas de la rémunération pour copie privée (art. L. 311-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle) ou de la « rémunération
équitable » (art. L. 214-1 et suivants du même code) pour la diffusion de musique à la radio ou dans les lieux sonorisés (bars, hôtels, restaurants, etc.).
Il paraît donc extrêmement délicat, notamment du point de vue des engagements internationaux et communautaires de la France qui protègent les droits patrimoniaux des créateurs, de prévoir le
principe d'une expropriation de ceux-ci au bénéfice de certaines structures qui utilisent la musique dans le cadre de leur activité.
Toutefois, la spécificité des associations qui utilisent les œuvres culturelles dans un but d'intérêt général, notamment dans le domaine social, est bien prise en compte dans notre législation
puisque l'article L. 321-8 du code de la propriété intellectuelle leur réserve un traitement préférentiel lorsqu'elles organisent des manifestations qui ne donnent pas lieu à entrée payante.
C'est ce que pratique la SACEM, en vertu de l'article 9 de ses statuts. Par ailleurs, la SACEM veille à simplifier les formalités d'autorisation et de facturation pour les associations
locales organisant des manifestations à caractère sportif ou culturel. Elle a instauré à cet effet des forfaits libératoires qui s'élèvent à quelques dizaines d'euros, payables avant la séance,
pour les animations musicales et les petites fêtes qui donnent lieu à la perception de recettes. Ces forfaits englobent également le paiement des droits des artistes-interprètes et des
producteurs et peuvent faire l'objet d'une réduction supplémentaire lorsque les associations organisatrices sont adhérentes d'une fédération signataire d'un protocole d'accord avec la SACEM ou
lorsqu'elles sont agréées « éducation populaire ». Pour les manifestations qui s'inscrivent dans le cadre de la Fête de la musique ou dans celui d'une grande opération de solidarité nationale
comme le Téléthon, les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique représentés par la SACEM ont volontairement décidé de faire abandon de leur rémunération et la totalité de leur répertoire est
donc utilisable gratuitement. La SACEM délivre également, de façon régulière, une autorisation gratuite lorsque des manifestations sont organisées bénévolement et que l'intégralité de leurs
recettes est versée à des associations comme les « Restos du cœur » ou l'Association française contre les myopathies.
L'ensemble de ces mesures, pragmatiques et bien adaptées, repose donc sur un engagement délibéré de la part de la SACEM et de ses mandants, méthode qui semble la plus satisfaisante pour concilier
le respect des droits des créateurs et des entreprises qui les soutiennent avec la nécessaire prise en compte de la spécificité des associations. La ministre de la culture et de la communication
a néanmoins demandé à la SACEM, ainsi qu'aux autres sociétés de gestion collective des droits d'auteur et des droits voisins, de poursuivre et d'intensifier leurs efforts de simplification des
modalités d'accès aux œuvres et de modération des rémunérations demandées aux petites associations. …
Voici un éclairage intéressant du Ministère qui ne répond cependant pas explicitement à l’exemple de Mme Buffet qui voulait avoir confirmation que l’organisateur de Kermesse doit payer des droits à la SACEM. La réponse est un peu alambiquée, mais il s’agit bien d’un oui. Les pouvoirs publics n’ont pas possibilité d’intervention directe sur l’action de la SACEM et des auteurs, ils demandent cependant que les efforts soient poursuivis en rappelant certains cas pour lesquels la SACEM s’assoie sur ses droits, par exemple à l’occasion de la Fête de la musique, du Téléthon, des Restos du cœur, …
Marie-Georges Buffet demandait aussi la création d’une commission de réflexion sur le sujet, idée à laquelle le ministère ne fait pas écho dans sa réponse.